C’était une mauvaise idée, tu n’arrêtes pas de le murmurer dans l’habitacle alors que tu cherches un quelconque point de repère au sein de la végétation qui t’entoure. Pourquoi est-ce que tu as voulu suivre Min Wei hein ? Pourquoi ?! Tu sais pourtant TRÈS bien que tu n’as aucun sens de l’orientation, pire, tu n’as jamais réellement apprécié la conduite d’une voiture. Ce n’est pas même la faute à ton véhicule, tu n’aimes pas le stress des embouteillages et tu n’es visiblement pas non plus une adepte des virées en forêt. Pas du tout même. Tu n’as pourtant rien à craindre de la route, vide de toute manière, à quelques rares exceptions, qui ne durent jamais. Mais il fallait que cet imbécile de Min Wei sème le doute dans ton esprit. Il n’y a pas de tigre ici, tu en es certaine, mais n’est-il pas un habitué du coin ? Assurément. DONC il s’y connait mieux que toi, il sait ce qui se trouve dans la faune des environs. Et voilà, pile ce qu’il te fallait : une dose supplémentaire de stress. C’est génial, il fait très bien son boulot ton garde du corps ! Tu te jures déjà de te venger de cette frousse, oh ça oui, mais ça ne t’empêche pas de surveiller tes messages, ses réponses surtout. D’ailleurs, tu te questionnes sur son ton, pourquoi te vouvoie-t-il à nouveau ? Vous n’en êtes plus là, non ? Tant pis ! Tu as bien assez à faire avec la route.

Évidemment, tout ça aurait été plus facile si tu avais partagé la voiture de Min avec lui. Tu aurais pu t’installer sur le siège passager et profiter du paysage, tu es même certaine qu’il n’aurait rien d’angoissant avec l’homme aux commandes de la voiture. C’est que sa conduite est impeccable, mais en plus, il connait la route et puis tu te serais sentie plus en sécurité. Heureusement pour toi, personne ne roule derrière toi et si tu avais été suivi, tu serais forcé de le voir, vu comment la route est faite. Sauf que voilà, même si tout te porte à croire que tu n’as rien à craindre, la raison de ta présence sur la route n’arrive pas à te quitter : on a rôdé près de l’appartement. Logiquement Min Wei était libre ce weekend, mais tu gâches tout à cause de ton anxiété. Tu comptais sur les garçons pour te tenir compagnie, mais tout le monde était occupé en fin de compte. Mais quand bien même, tu sais très bien au fond de toi, qu’avec tes amis ou pas pour monter la garde, maintenant que tu t’attends au pire, soit à retomber sur ce type, tu n’aurais pas pu rester à l’appartement. Pas alors que ta sécurité est plus au nord, à profiter d’un weekend tranquille. Un retour aux sources. Toi, tu te contentes très bien d’une visite aux bains et au temple, pourquoi Min doit tout compliquer ? Pourquoi est-ce qu’il doit louer un chalet aussi loin hein ? Tu pleurnicherais presque. Sauf que non. Tu as trop d’orgueil pour ça, trop de toupet. Tu te contentes de serrer les dents.

Tes efforts sont toutefois récompensés, parce que tu rejoins enfin un point de rendez-vous, que ton sadique garde du corps t’as proposé. De là, c’est tout de suite plus facile de le suivre. Il ne roule pas trop vite, tu peux suivre son véhicule et au bout d’un certain temps, garer ta voiture, de location bien entendu puisque normalement tu dépends de lui et de la sienne pour te balader. Dès que tu sors de la voiture, tu soupires, visiblement épuisée, mais le froid t’attend au détour et tu as tout juste le temps de souffler, que déjà le froid se glisse sous ta veste. Bon d’accord, tu n’es assurément pas habillée pour ce genre de climat. Toi tu es une citadine, un blouson ça te suffit largement quand tu sors, de jour comme de nuit. Mais pas ici et déjà le jour décline. Tu aurais dû prendre un manteau ou au moins enfilé un pull sous ta veste, mais non, tu es en simple débardeur et déjà tu grelottes. Tes bras s’enroulent autour de toi alors que tu repousses la portière d’un coup de hanche, ta tête s’enfonçant entre tes épaules, dans un vain espoir de te garder au chaud. « Brrrr, il fait un froid de canard ici ! » Mais tu ne peux pas le nier, alors que ton regard dévie de sur Min, le paysage est superbe. Vous êtes en hauteur, ce qui explique la chute de température, mais quelle vue ! Difficile de ne pas l’apprécier, même en grelottant. Tu fais quelques pas, en direction de Min, mais tu ne le vois même pas. Enfin, jusqu’à ce qu’un truc détale dans la forêt tout près de vous, là tu sursautes et t’empresses de rejoindre ton garde du corps, les nerfs en boule, le cœur en chute libre, les mains refermés sur son bras comme des serres. « Qu’est-ce que c’était ça ?! » Tu n’oses pas le dire tout haut, mais le mot « tigre » hante tes pensées. C’est impossible hein ? Hein ?!