Ahn Hyun Su

“Dance, when you're broken open. Dance, if you've torn the bandage off. Dance in the middle of the fighting. Dance in your blood. Dance when you're perfectly free.” Rumi

Comme je l'ai déjà raconté plus haut, mon père est mort peu de temps après ma naissance, crise cardiaque. Je n'ai donc aucun souvenir si ce n'est les photos et les anecdotes racontées par ma mère. La vie aurait pu être parfaite en étant fils unique, hélas, j'ai un frère, plus âgé de surcroît. Je n'ai jamais vraiment eu mon mot à dire, vivant dans son ombre. Tout petit, j'ai eu la naïveté de croire qu'il était génial, gentil, qu'on allait vivre des aventures extraordinaires. Absolument pas. Préféré évident de ma mère qui a toujours reporté toutes ses attentes sur lui, je n'ai jamais passé qu'au second plan. Fils modèle avec les meilleurs notes de sa classe, j'avais beau me démener et obtenir d'aussi bons résultats, tout le monde s'en fichait. C'est dans un seul but, attirer l'attention dans un domaine qu'il ne maîtrisait pas, le sport, que j'ai cherché un moyen de me démarquer.

La danse m'est venue assez naturellement. Il faut savoir que j'aimais déjà la musique et me déhancher dans ma chambre. J'ai demandé à prendre des cours, la professeur m'a tout de suite trouvé doué et encouragé. L'illusion ne dura pas longtemps que je pouvais être bon à quelque chose, ma mère m'ayant répondu que ce n'était qu'une activité secondaire, un passe-temps, au même titre que le tricot et que ça me n'apporterait rien de bon, surtout pas un travail. Je me rappelle mon état de frustration, de déception, du regard narquois de mon frère. Réfugié dans ma chambre le temps d'encaisser, cela n'a pas eu l'effet dissuasif qu'elle aurait voulu. Au contraire, puisque, peu importe ce que je faisais, elle s'en fichait, je n'en ai fait qu'à ma tête.

A cette époque, je regardais avec grand intérêt les clips passer à la télévision. Le lancement d'un nouveau groupe était diffusé en direct. Miяaقз venait de faire ses débuts, j'ai tout de suite été fasciné par leur univers, leur musique et leurs chorégraphies parfaites du haut de mes yeux d'enfant de neuf ans. La publicité disait qu'ils avaient un Twitter, donc je m'en suis créé un en cachette afin de les suivre. J'ai vu dans un reportage que poster des vidéos de ses compétences peut aider à se faire connaître, c'est de cette manière que j'ai commencé à me filmer. Je dansais sur les chorégraphies de ce groupe également alors que de plus en plus de posters recouvraient les murs de ma chambre. Il s'est avéré que ma voix était aussi belle et pleine de potentielle, donc j'ai pris des cours de chant. Ma vie de famille n'était pas géniale à côté de cela, bien qu'il m'arrivait des choses  plus exceptionnelles. Par exemple, Angel de mon groupe favori qui m'a suivi et même commenté une de mes vidéos. Je ne me sentais plus !! Il a fallu que je me pince pour être sûr que ce n'était pas un rêve. Durant un an, je n'ai pas lâché l'affaire et, au final, ma mère a accepté de m'accompagner à un fan-meeting. J'étais si nerveux... Il n'y avait pas beaucoup de garçons en plus. Il m'a tout de suite impressionné, j'avais du mal à me dire qu'il était juste devant moi. Pendant qu'il a signé sur le CD que je venais d'acheter, je lui ai avoué que j'étais celui des vidéos, il a tout de suite compris qui. Je me rappellerai toujours de sa phrase d'encouragement qui m'a tellement touché que je n'ai pas respecté les règles, je suis allé lui faire un câlin. Il a été chic en disant à la sécurité qu'elle n'avait pas besoin d'intervenir. Ensuite, je lui ai fait la promesse que je deviendrai célèbre et que je viendrai demander à chanter un duo avec lui, il m'a alors répondu qu'il m'attendrait. Ma mère m'était pas contente, apparemment je l'avais mise dans l'embarras devant tout le monde.

Depuis, ma photo avec Angel n'a pas quitté ma table de chevet. Peu importe mon frère, ma mère, l'ambiance à la maison, l'école, tout ce qui s'est produit les années qui suivirent ne m'a pas fait baisser les bras. Même quand j'ai découvert ce scandale qui a coupé les ailes au groupe que j'adorais. Ma volonté inébranlable a fini par payer. Il y a deux ans, une agence a pris contact avec moi et m'a fait intégrer un groupe. Pendant un an, nous nous sommes entraînés, puis nous avons été lancés. Le succès a tout de suite été au rendez-vous, j'ai adoré cette période bien que j'étais le maknae un peu exploité des fois, la manager me donnait un coup de mains, heureusement. Dans mon élément, j'ai découvert les concerts, les fan-meeting de l'autre côté du miroir, les émissions, les fans, c'était le paradis. Nous sommes même allés en Chine !!

Peu de temps après être arrivé, j'ai fait la connaissance d'un coach vocal, Jung Su. Il nous a sauvé la mise à un concert car un de nos backdancers s'étaient blessés, nos regards se sont difficilement lâchés. Je dois bien reconnaître qu'il m'a attiré tout de suite, les jours qui ont suivi, j'ai trouvé beaucoup de prétextes facilitant notre rapprochement, il m'a fallu jouer au gentil petit gosse car c'est souvent ce que l'on pense de moi lorsqu'on me voit. Néanmoins, je ne le suis pas toujours. Au final, après s'être longuement chauffés, j'ai fini par obtenir ce que je voulais et c'était génial. La forte attraction semblait avoir disparu et d'autres événements moins joyeux sont arrivés. D'abord, le dernier débarqué dans le groupe a décidé de partir. Il m'a pas manqué, on ne s'entendait pas du tout. Puis ça a été au tour de notre Leader, ça a commencé à faire beaucoup... Toutes les promotions ont été suspendus, je n'osais plus sortir de l'agence, ne sachant même pas quoi raconter à nos fans que j'aurais pu croiser. Pour couronner le tout, Jung Su est venu me dire au revoir un soir. Après une dispute avec le directeur, il avait décidé de retenter sa chance d'idole ailleurs. J'ai été incapable de prononcer le moindre mot. Rentré au dortoir, j'étais complètement abattu, en colère. C'est vrai que je m'entendais bien avec et que son départ était un peu soudain, mais de là à me mettre dans cet état?

Les jours qui ont suivi, pas concentré, je faisais des erreurs de débutant durant les répétitions, j'oubliais des choses, mon corps était le seul à être présent, mon esprit avait trouvé refuge chez un autre. Notre manager m'a invité un soir au restaurant, inquiète à mon sujet. Au fil de la soirée, de la discussion, elle m'a ouvert les yeux sur ce que j'avais. Au début, je niais en bloc l'idée. Néanmoins, mon cœur qui battait la chamade rien qu'en pensant à cet homme me prouvait que j'avais tort et qu'elle avait raison. Le lendemain, je courais à son appartement pour lui dire que ce que je ressentais, tout ce qu'il a trouvé à me sortir était que ce n'était qu'un amour d'ado qui ne durerait pas. Je venais de me prendre un monumental rateau. Dépité, malheureux, au travail, j'était en dessous de tout, je me sentais complètement vide, j'étais dégoûté de ce qui s'était passé dans le groupe, je ne voulais plus rester parmi eux. Il a fallu que j'annonce cela à ma mère. Je la vois encore m'insulter de tous les noms en me disant que je n'étais qu'un crétin sans cervelle et que je me privais de la seule chose qui me donnait du crédit à ses yeux. Elle était la première à se vanter d'avoir un fils connu, vous comprenez, certains ont aussi découvert que mon frère n'était pas son seul enfant... Comme je suis mineur, elle m'a consigné dans ma chambre tant que je ne reviendrai pas sur ma décision. C'était un véritable casse-tête. Après quelques recherches, j'ai engagé les démarches nécessaires afin d'être émancipé. Elle n'a rien voulu savoir à ce sujet, a cru que je plaisantais jusqu'à ce qu'on passe devant un juge.

Dès que j'ai été libre et autonome, je suis parti faire un stage de danse dans une grande école aux States durant tout l'été. Ca m'a fait du bien de voir autre chose, j'ai amélioré mon anglais j'ai rencontré des personnes différentes et être de nouveau anonyme m'a fait le plus grand bien. J'ai pu me concentrer sur autre chose, tourner la page. Physiquement, je crois que j'ai changé un peu, j'ai même grandi de deux centimètres. A mon retour, je pensais postuler pour vivre de la danse. Une agence a pris contatc avec moi, la Star Entertainment. La directrice est carrément sympa, elle m'a proposé d'intégrer les trainees à cause d'un projet de lancement d'un groupe, proposition que j'ai décliné, à son plus grand étonnement. Ne voulant pas me laisser filer, elle m'a trouvé un travail, backdancer, et ça me convient parfaitement. Je ne veux plus être une idole.