Jae Duk s'était levé tôt, comme à son habitude. La même routine à laquelle il était abonné depuis son retour en Corée aurait pu être au rendez-vous, mais un élément « perturbateur » s'était insinué dans son quotidien depuis une bonne semaine. Trouble du nom de Nam Dong Sun, son jeune cousin plus ou moins forcé à prendre son envol... Et qui n'avait eut d'autre idée que de venir squatter chez le manager des Moonlight. Pas rapiat pour deux sous, il avait accepté : ça ne le dérangeait pas plus que ça. En revanche, il avait plus ou moins fait en sorte que son cousin adopte le même rythme de vie que lui. C'est à dire, levé à six heures, presque au clairon. Un peu rude pour l'adolescent, probablement, mais... Jae Duk agissait avec cette même bienveillance un peu particulière qui pouvait parfois le faire passer pour un tyran. C'était un coup à prendre.

La veille au soir, Dong Sun lui avait rabattu les oreilles avec une vague histoire de harcèlement sexuel le liant à Shin-Il, leader du groupe dont Jae Duk était responsable. Le manager avait écouté le tout d'une attention pouvant paraître un peu distraite... Et pourtant, ces mots n'étaient pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Jae Duk avait un peu vanné son jeune cousin, au mieux. Mais il savait que le lendemain même, il irait en toucher deux mots au concerné de cette histoire.

Bref, il avait quitté son appartement vers sept heures trente, mégaphone à la main. Dans un élan de bonne conscience, passant devant le Starbucks avoisinant l'agence, il avait eut pour idée de prendre quelques boissons et autres viennoiseries pour les membres du groupe. Les petites intentions du genre étaient relativement rares, mais témoignaient tout de même qu'il pouvait parfois être d'humeur attentionnée.

Son arrivée au dortoir fut semblable à celle des autres matins. Mégaphone actionné, il avait claironné à tout le monde de se lever, avant de laisser sur la table de la cuisine ses achats précédents, encore fumant et dégageant une agréable odeur. Les Moonlight, les yeux encore un peu endormis et les corps gourds n'avaient pas tardé à pointer le bout de leur nez... Et là, Jae Duk avait vu que quelqu'un manqué à l'appel : Shin-Il. Interrogeant Sang-Min, il avait appris que le leader s'était tiré du sommeil tout seul. Pour le reste, il n'avait pas besoin d'un schéma : il était presque sûr de savoir où il pourrait trouver l'intéressé. Après avoir récupéré deux cafés et quelques muffins, il s'était rendu à une des salles de répétitions.

Les notes légères et familières lui confirment que malgré l'heure matinale, Shin-Il était effectivement déjà en train de jouer. Restant planté sur le seuil de la porte ouverte, Jae Duk reste silencieux le temps que le joueur ne s'interrompe, écoutant d'une oreille appréciatrice la mélodie savamment jouée. Bon sang, ce garçon n'était pas dans la musique pour rien, juge une énième fois le manager. Le jeune homme finit par s'interrompre, s’apercevant de cette nouvelle présence. Un café et le sachet de viennoiseries lui sont tendus. De quoi attiser quelques soupçons chez le pianiste, qui jure que ces bonnes intentions n'étaient pas de bon présage. « Je doute que vos foies se vendent à bon prix, malheureusement. » soupire t-il. « C'est dommage, quand on pense que vos fans sont probablement prêtes à tout pour acheter quelque chose vous concernant. » Okay, c'était un peu glauque, mais... Bon, on refaisait pas Jae Duk en matière d'humour douteux, quoi !

Sa joue pincée, le manager est ensuite invité à venir s'asseoir. Malgré la petite pique adressée, il n'en fait rien, se contentant de secouer la tête de gauche à droite. Shin-Il lui somme ensuite de lâcher le morceau, se doutant qu'il n'était pas venu ici innocemment. Le manager prend à son tour une gorgée de café avant de commencer au sujet de la composition : « On reconnaît bien ton toucher, c'est un beau morceau. » Nouvelle gorgée. « Pour ce qui est d'être exploitable... » Sa main libre s'élève à son menton, tandis que son regard reste fixement posé sur le piano. « Envisageable... Si on colle les bons arrangements et qu'on trouve un bon truc à exploiter. Ça peut changer un peu de vos autres morceaux, mais... » ces quelques mots sont un peu grommelé, le manager étant pensif. Les yeux se plissent un peu, le temps qu'il ne réfléchisse en silence pendant quelques longues secondes. Il revient finalement à Shin-Il : « Il faudra qu'on en reparle avec les autres. Ça dépend aussi de toi, de ce que tu souhaites faire de ce morceau. Mais si on soumet ça sous le bon angle, je pense qu'il y a moyen d'en faire quelque chose d'intéressant. » finit-il.

Le jeune homme fait quelques pas autour de l'instrument, passant ses doigts sur les touches sans vraiment y appuyer. « Depuis quelques jours, j'héberge mon cousin. Un glandu, mais je l'aime bien. » commence t-il, frôlant le clavier pour que quelques notes désordonnées s'élèvent. « Nam Dong Sun, un grand blond à l'air paumé. Il fait le ménage ici. Tu le connais ? » demande t-il, l'air de rien, espérant que cette simple anecdote suffise à refréner les ardeurs du Moonlight.

« Je ne te savais pas si altruiste, Shin-Il. » répond Jae Duk avec un petit sourire à cette histoire de don de corps. Mais pour le reste... Le manager a un petit fronce un peu les sourcils. Il était au courant des travers du leader. Et non, il n'approuvait pas, loin de là. Néanmoins, les choses étaient claires : tant que Shin-Il faisait son travail et qu'il ne laissait rien entrevoir au grand public, Jae Duk ne l'enquiquinerait pas avec ça. Après tout, son vis-à-vis était assez grand pour connaître la répercutions de ces substances pour sa santé, et donc pour agir en connaissance de cause. Le manager ne lui faisait donc jamais de remarque, plus que satisfait par le travail fourni par le Moonlight. Néanmoins, il a une petite remarque à ce sujet : « J'espère que non, tout de même. J'aimerais bien continuer à avoir de bonnes fins de mois pour encore plusieurs années. » Agrémenté d'un petit sourire amusé, cette répartie fait bien plus office de plaisanterie qu'autre chose... Même si elle était un peu teintée d'une mise en garde bienveillante, quoi !

Parlant de la dernière composition pondue par le pianiste, Jae Duk se lance dans une longue réflexion – les heures matinales ne lui faisaient pas peur, pas même pour mettre sur pied un nouveau concept pour ses canetons. Shin-Il respecte cet instant, attendant que le manager ne lâche un verdict. Et même si évidemment, le projet devait être finement pensé pour être finalisé, le jeune homme annonce que ça ne lui semblait pas impossible. Le compositeur semble satisfait de cette annonce, ajoutant qu'il avait déjà son idée sur la question... Mais que ces suggestions pourraient bien être niées en bloc par les autres membres du groupe. Jae Duk reste impassible à cette remarque... Mais laisse néanmoins un petit soupir s'échapper. Il savait que l'entente était loin d'être excellente entre les membres du groupe, bien sûr. En deux ans de carrière avec eux, il avait eut tout le temps de le réaliser. Et il apparentait toujours leurs prises de tête à des enfantillages, que ça soit dit. Le manager s'appliquait toujours à ce que tout un chacun ait un droit de parole – du moins, du moment où la remarque était pertinente et constructive, et qu'un terrain d'entente soit proposé. Il ne niait absolument pas le talent du leader, mais le mettait à pied d'égalité avec les autres membres : il n'était pas adepte du favoritisme. Quoi qu'il en soit, il était prêt à appuyer la parole de Shin-Il, songeant lui même qu'un concept pouvait être pondu autour de cette dernière chanson. Néanmoins, il saurait aussi modérer le compositeur en cas d'excès. Bref. Il offre un petit regard blasé à son vis-à-vis, avant d'ironiser : « Tu veux que celui qui ne sera pas d'accord soit privé de dessert ? »

Ensuite, Jae Duk ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet : son cousin. Néanmoins, il ne vient pas piquer une crise, se contentant juste d'introduire Dong Sun. Shin-Il acquiesce, voyant de qui il s'agissait, sommant par la même occasion le manager de laisser le piano en paix. Le silence à nouveau instauré, le compositeur ne manque pas de souligner que Dong Sun était un « joli petit lot ». Impassible, le manager laisse le pianiste terminer. Ce dernier comprenait que le manager était venu ici pour lui dire de stopper toute intention peu louable à l'intention de son cousin, ce qui ne manque pas de l'amuser. « Disons que je ne tiens pas à montrer les choses ou les personnes qui pourraient me porter préjudice. » répond Jae Duk à la dernière question. Bien sûr qu'il ne le pensait pas... Même si oui, il trouvait quand même que des fois son cousin était vraiment un boulet, à ses heures.

Shin-Il assure par la suite que le message était passé, et qu'il ne s'y ferait pas reprendre à l'avenir. Le manager acquiesce, sans rien ajouter. Il faisait assez confiance au pianiste pour ça. Ce dernier vient ensuite demander à so vis-à-vis s'il avait autre chose à lui reprocher. Jae Duk l'observe un peu et... « Oui, ton t-shirt. Mais ça n'a rien de personnel. » commente t-il, sans sourire aucun. Juste histoire de vanner un peu, quoi !

« Bien. Dans ce cas, appelle moi William. » répond simplement Jae Duk. William, c'était un prénom cool. Même s'il n'avait pas la tête à porter un patronyme du genre. Mais après tout, pourquoi pas ? C'était toujours mieux et plus crédible que Daffy Duck, Donald, Canard ou Coincoin. Après, le manager s'était habitué à ces sobriquets, à force de temps. Et les accepter lui enlevait ce côté froid et trop fier qu'il ne voulait absolument pas avoir. Mais si Shin Il faisait une réclamation, alors pourquoi pas lui ?

Pour la suite, un petit sourire amusé arque les lèvres du manager, qui laisse même un petit rire s'échapper. De la mauvaise herbe... C'était bien le mot ! Difficile de dire si Shin Il lui disait ça pour le rassurer quant à sa consommation de stupéfiants ou quoi... Mais connaissant le zigoto, Jae Duk se doutait que ce dernier n'était pas prêt d'arrêter d'absorber ces cochonneries. Il ne tenait pas tant à le savoir, à dire vrai. Mais au moins, l'intention était là. « De la mauvaise herbe qui a réussi à déraciner un vieux chêne, je dirai même. » taquine t-il, faisait allusion à son prédécesseur. « Je me demande d'ailleurs... Vous étiez si horrible que ça avec lui, ou il était fragile ? » demande t-il. Il était témoin : les membres du groupe pouvaient être vraiment prises de tête à leurs heures. Mais au point de jeter l'éponge ? « A moins que je ne sois vraiment le manager idéal pour vous, assez tyran et gentil à la fois. » observe t-il, le regard plissé venant se poser en l'air à quelques mètres de là, pensif. Il lui semblait qu'il faisait du bon boulot, tout de même !

Un petit sourire blasé est offert au compositeur à sa remarque sur le lead vocal. Des enfants, vraiment. Jae Duk secoue doucement la tête de gauche à droite, avant que la conversation n'en vienne à toute autre chose : les folles aventures de Nam Dong Sun et du harcèlement sexuel. Évidemment, le manager allait aborder les choses à sa façon, et faire comprendre que Shin Il ne devait pas jouer sur ce terrain là. Le message passe sans peine. Pour la suite, le manager tacle son cousin absent, sans penser ses mots... Même s'il voulait bien l'admettre, Dong Sun lui faisait un peu de peine de temps à autres. Mais le genre de peine qui attendrit plus qu'autre chose, quoi ! Le pianiste a un large sourire, soulignant que c'était une belle vacherie. « C'est pour son bien, vois-tu. Donc il n'a pas trop le choix ! » répond Jae Duk avant de prendre une longue gorgée de café. « En attendant, ça m'ennuie un peu de le voir gâcher sa vie comme technicien de surface alors qu'il a du talent. »

Une petite vanne est adressée au sujet de l'accoutrement du leader, qui réplique immédiatement au sujet des cravates du manager, d'un goût douteux selon lui. « Ce sont des cravates achetées auprès d'une association qui travaille à la protection des espèces de requins menacées. Un peu de respect. » répond Jae Duk très sérieusement. Bon c'était complètement faux, certes. Mais il avait ses petits délires et ses crises d'achat compulsifs, lui aussi ! En réplique, Shin Il en vient presque à retirer son t-shirt, avant de se rétracter. Fausses excuses présentées, Shin Il annonce une nouvelle plaisanterie, que Jae Duk ignore. « Je ne sais pas si t'apporter ce déjeuner était une bonne idée, tout compte fait. Tu as pris du bide, mon biquet. » répond le manager, dont les lèvres s'étirent en un sourire fourbe. Il adorait coatcher les séances d'entraînement sportif de ses recrues, sifflet au bec, clamant jusqu'à ce que tous finissent au sol.

Shin Il vient ensuite se poser au piano, annonçant qu'il était prêt à jouer un morceau en guise de remerciement. Même la bande originale d'un film de requins, c'était dire à quel point il était reconnaissant. « Ça serait une injure. » souffle Jae Duk. « A la musique, j'entends. Pas à ton toucher. » tacle t-il, avant de réfléchir quelques secondes à quel titre il souhaiterait entendre. « Surprends-moi, tiens ! » annonce t-il finalement, n'ayant pas grande idée, plusieurs choix se bousculant dans sa tête, et incapable de choisir.

Il acceptait de l'appeler William. C'était bizarre. Très bizarre. Mais après tout, pourquoi ne pas y croire ? Jae Duk reste dubitatif un court instant avant d'abdiquer en un hochement de tête. Qui sait, peut-être le compositeur était-il d'humeur généreuse pour accepter de laisser de côté tout ses sobriquets habituels ? Quoi qu'il en soit, à la bonne heure : mais encore fallait-il mettre ces paroles en application.

De fil en aiguille, la discussion mène le manager à faire allusion à son prédécesseur. Parti en dépression après deux ans de bons et loyaux services. Un homme talentueux, pour ce qu'avait jugé Jae Duk de son travail. Surtout pour avoir commencé à mettre les Moonlight dans le sens de la montée. Il ne fallait pas le nier : si l'actuel manager les avait hissé vers le haut, ce n'était certainement pas lui qui avait instauré les bases de cette montée. Quoi qu'il en soit, Jae Duk s'interroge sur le pourquoi cet employé avait du prendre congés : ses ouailles avaient-elles donné dans leur provocation récalcitrante à l'extrême, ou n'avait-il pas les épaules ? Parce que pour Hwang, si les Moonlight avaient effectivement leur lot de défauts, il lui semblait à lui qu'il arrivait à les mener à la baguette, la plupart du temps. Forcément, sa question était légitime.

La réponse de Shin Il a de quoi gonfler son ego, en tout cas : ils étaient fidèle à eux même. Jae Duk en conclue donc que le pauvre homme n'avait peut-être pas eut assez de carrure pour endosser ces canetons. Un rire rapide filtre les lèvres du Coréen, qui a un petit mouvement de tête désabusé. « Et j'aurais souhaité que ton sens de la formule soit aussi distingué et poétique que le mien. Mais bon ! » se moque t-il doucement, même s'il devait bien admettre que cette parole l'avait amusé. Et pour ce qui est du surnom : « J'aurais du m'en douter, je suppose. On ne m’appellera donc jamais William. Triste vie. »

Quelques plaisanteries fusent au sujet de Dong Sun, avant que le sujet ne se fasse plus sérieux : le talent du concerné. Évidemment, ces bons mots ne tombent pas dans les oreilles d'un sourd : Shin Il interroge aussitôt. « Pas pour lustrer le parquet qui couine sous vos pas, en tout cas. » commence le manager. « Il a une bonne voix, ce nigaud. Et se débrouille plutôt bien en rap. Je suis sûr qu'avec un entraînement adéquat il pourrait atteindre des sommets. » poursuit-il, le regard à nouveau un peu pendu dans le vide, songeur. Les paroles ensuite ajoutées par le pianiste le tire néanmoins de ses pensées : il n'avait pas tord. « Je ne suis pas la personne à qui il faut dire ça. » souligne néanmoins Jae Duk : en tant que manager, mais aussi en temps que cousin, c'était normal de vouloir voir Dong Sun se hisser à un autre poste que technicien de surface. « Même si dans le fond, je te l'accorde. »

Sujet chiffons expédiés, quelques blagues sont lâchées. Jae Duk souligne au passage un éventuel problème de ligne, ce à quoi Shin Il lâche une nouvelle plaisanterie. Impassible, le manager répond : « Raison de plus pour que tu n'approches pas Dong Sun. Crois moi, tu ne veux pas te retrouver avec un gosse fana dingue de chaussures. » Il lui faisait une belle réputation, tiens.

Ces petites boutades échangées, le compositeur reprend place au piano, jouant au gré de ses envies. Dès les premières notes, Jae Duk reconnaît une des chansons d'un autre groupe phare de l'agence : Ivory. Une voix singée surplombe l'air, sans qu'elle ne sonne néanmoins fausse, quoi que caricaturée. Un petit sourire étire les lèvres du manager, qui déclare à la fin du morceau : « On voit que tu as écouté la voix de Ra Hae avec beaucoup d'attention. » Sans que ça soit une attaque pour la concernée, bien évidemment.