Dong Wook avait travaillé un peu plus vite, ce soir. Tout du moins, c’était ce qui lui semblait. Il n’était que vingt-trois heures et en était déjà à la salle de danse du quatrième étage. Il n’était pourtant pas plus motivé, et ne bâclait pas particulièrement son travail. S’il venait à expédier son travail en moins de deux, il savait que les retombées se feraient dès le lendemain matin, et qu’on ne lui ferait pas de grâce. Les absences qu’il avait enchaîné pendant quelques temps ne jouaient pas en sa faveur, et si le nord-Coréen souhaitait garder cet emploi aussi longtemps que possible, il avait intérêt à filer droit.

Bref, il avait donc déjà atteint le quatrième étage. En général, à cette heure-ci, il peinait encore à passer la serpillière au troisième. Comme quoi, les employés avaient peut-être décidé de s’acheter une conduite, histoire d’éviter de dégueulasser les locaux en un temps record. Dong Wook n’était pas particulièrement maniaque… Mais plus ça allait, plus il se surprenait à pester quand il découvrait une pièce désordonnée. Déformation professionnelle, probablement. Ou juste la hâte d’en finir au plus vite, histoire de pouvoir rentrer chez lui à une heure à peu près convenable.

Ecouteurs vissés aux oreilles, Dong Wook entraîne avec lui le chariot d’entretien dans la vaste salle de danse. Balai en main, il repasse consciencieusement chaque centimètre carré du plancher, avant de récupérer un chiffon et un nettoyant pour briquer le vaste miroir. Concentré à nettoyer les quelques traces persistant sur la surface lisse, il finit pourtant par remarquer le reflet d’une silhouette, à côté de la porte. Le nord-Coréen fronce les sourcils, reculant d’un pas, avant de se retourner, perplexe. Il avait halluciné, ou… ?

Non, non. Il avait bien vu ce qu’il avait vu. Shin Ho, planté sur le seuil de la salle de danse… En tutu. « T’es pas sérieux… » souffle suffisamment fort Dong Wook pour être entendu. Il ne savait pas trop s’il était tenté d’en rire, ou au contraire d’en être dépité. Il finit pourtant par lâche un petit soupir, un maigre sourire dédaigneux aux lèvres. Tournant les talons, il refait face au miroir pour y plaquer à nouveau le chiffon. Jetant un coup d’œil au reflet de Shin Ho, il raille, lui tournant toujours le dos ; « Tu veux t’reconvertir ? » Une fois le miroir nettoyé de toutes parts, le jeune homme revient vers le chariot. Ce faisant, il demande, adressant un regard en coin à l’autre jeune homme : « Qu’est ce que tu viens foutre ici à cette heure ? »

Dong Wook reste longuement perplexe, continuant à dévisager Shin Ho de haut en bas, dépité. Au moins le nord-Coréen pouvait-il concéder à son ami qu’il ne craignait en rien le ridicule. Il avait beau ne pas cacher qu’il trouvait ça relativement pathétique, il devait bien reconnaître que le ridicule de la situation le faisait doucement sourire. Tandis que le jeune homme se met à nouveau à astiquer le miroir, qui était presqu’intégralement propre, le présentateur s’avance en sa direction, venant se poser sur la surface brillante. Son habituel sourire pendu aux lèvres, Shin Ho se tente à une voix charmeuse. Dong Wook élève le regard, jetant un coup d’œil à son voisin, un peu perplexe. Heureusement Shin Ho n’était-il pas comédien, songe le nord-Coréen. A la moindre scène un tant soit peu sérieuse, il n’arriverait pas à réprimer cette mine. Un petit soupire filtre les lèvres du plus jeune, qui vient décaler l’artiste, dont la pose avait laissé quelques traces sur la glace. Un petit coup de chiffon est passé sur le miroir, avant que le garçon ne se retourne. Son regard parcourt rapidement la silhouette, de haut en bas, puis de bas en haut. Venu le courtiser, hein ? « Va falloir tenter aut’chose. » tente-il, tout en désignant le tulle enserrant la taille de son vis-à-vis.

Un coin de lèvres se lève brièvement, avant que Dong Wook ne tourne les talons. Prenant la direction du charriot où était entreposé tout son matériel, il reprend au sujet de la danse. « C’est clair qu’le classique, c’est ma vocation. » ironise-t-il avant d’abandonner son chiffon au profit d’un manche à balai, à l’extrémité duquel il fixe une serpillière à franges. Prêt à nettoyer le plancher, le jeune homme voit pourtant son attention se porter à nouveau sur le présentateur. Les traits du visage crispés – qui tendaient certainement à passer pour une quelconque mimique mignonne – et la voix efféminée, Shin Ho lui demande d’apprendre à danser. Le coup de grâce étant certainement le « oppa » ajouté. Emasculation au possible. Dong Wook grimace doucement, perplexe. « C’est fou c’que t’as l’air con, comme ça. » dit-il pour seule réponse, sans songer un instant que Shin Ho puisse être sérieux. C’était un peu exagéré, songe-t-il. Et puis, il pouvait toujours mettre cette blague sur le compte des excentricités de son ami.

Plaquant la serpillière préalablement humidifiée au sol, Dong Wook commence à parcourir la salle, sans trop porter d’attention à la présence de l’autre jeune homme. A l’affut de la moindre tâche, il repasse à certains endroits à quelques reprises. Mais il était tout de même étrange de ne pas entendre le présentateur ne pas enchaîner sur un quelconque sujet de conversation. L’agent d’entretien relève les yeux vers le concerné. Il était planté là, toujours dans son tutu.  « Quoi ? T’étais sérieux ? » demande le nord-Coréen en haussant un sourcil. « J’peux pas là, faut que j’finisse de bosser. » bougonne-t-il. Et après son quart de travail, c’était mort. Ses horaires étaient suffisamment fatigant pour qu’il reste davantage à l’agence, surtout si c’était pour enchaîner avec une séance de danse.